Publié dans The Conversation
Obésité, diabète, hypertension, asthme, douleurs chroniques… Le nombre de Canadiens atteints de plusieurs pathologies, qu’on nomme aussi multimorbidité, est en hausse.
Outre les inconvénients physiologiques associés à leur condition, ces personnes sont plus à risque de connaître des problèmes de santé mentale.
Chez les adultes canadiens, la prévalence estimée est d’environ 13 pour cent. Entre 2001 et 2011, chez les gens âgés de 40 ans et plus, la multimorbidité a augmenté de 29 pour cent. Et pire, de plus de 50 pour cent chez ceux cumulant trois pathologies et plus !
La multimorbidité est historiquement étudiée chez les personnes âgées. Mais l’augmentation de l’obésité (définie comme l’accumulation excessive de graisse présentant un risque pour la santé) et ses conséquences sur la santé favorisent l’accumulation de maladies chroniques chez des gens de plus en plus jeunes. On estime à environ 11 pour cent de multimorbidité chez les 18-44 ans en 2009.
La prévalence de la multimorbidité s’accentue selon la sévérité du surpoids: elle passe de 31 pour cent chez ceux souffrant d’obésité à 86 pour cent (dans les cas les plus sévères).
L’une de nos études précédentes a aussi montré que le tiers des personnes ayant un problème d’obésité et un trouble de l’humeur avaient trois autres pathologies chroniques.
Étonnamment, alors que l’obésité et la multimorbidité sont connues pour individuellement altérer la santé mentale, aucune étude n’avait été faite sur l’impact de cette co-occurrence. En tant que chercheur ayant des intérêts en santé mentale, obésité et promotion de la santé, cette question me semblait cruciale.
Les impacts sur la santé mentale
En utilisant les données issues de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 2013-2014 (échantillon représentatif de la population du Québec dans notre étude), nous avons comparé les gens souffrant d’obésité et ayant de multiples pathologies chroniques à celles qui en sont exemptes, quant à différents aspects reliés à la santé mentale (les perceptions) et la présence de troubles mentaux (les diagnostics médicaux).
Nos résultats montrent que les personnes souffrant d’obésité et de multiples pathologies chroniques (par exemple, obésité, diabète, et douleurs chroniques) ont des risques trois fois plus élevés de rapporter de la détresse psychologique ou de se dire en mauvaise santé mentale.
De plus, ces mêmes personnes courraient un risque 2,4 fois plus élevé d’avoir des troubles anxieux, et 2,3 fois plus élevé d’avoir un trouble de l’humeur. Leur risque d’avoir eu un épisode dépressif majeur au cours de l’année écoulée était cinq fois plus élevé. En somme, nos résultats montrent une association claire entre la présence de multiples pathologies et une moins bonne santé mentale chez les personnes souffrant d’obésité.
De même, nous avons montré que les personnes qui avaient de multiples pathologies chroniques présentaient également un risque cinq fois plus élevé d’avoir plus d’un problème de santé mentale (par exemple, un trouble de l’humeur et un trouble anxieux).
Cela signifie qu’une personne cumulant obésité, diabète, et asthme, par exemple, est également plus à risque d’avoir une dépression et de la détresse psychologique, d’où la nécessité des approches de prévention.
Les populations vulnérables en première ligne
Plusieurs études confirment que la population est touchée de façon inégale. En plus des personnes plus âgées, les femmes, les personnes peu scolarisées et celles en situations de précarité socio-économiques sont plus à risque d’avoir de multiples pathologies chroniques.
Chez les personnes en situation de précarité, la multimorbidité survient environ 10 à 15 années plus précocement que le reste de la population générale.
Les principaux facteurs contrôlables associés aux multiples pathologies chroniques, en plus de l’obésité, sont le stress, le tabagisme actif ainsi que le manque d’activité physique.
Ceci justifie la nécessité de modifier son mode de vie pour prévenir l’émergence de ces multiples pathologies chroniques. La recherche nous apprend toutefois que les personnes présentant de multiples pathologies ont aussi plus de difficulté à s’y engager et ce, en raison du fardeau que représente la gestion de ces pathologies et des facteurs non contrôlables comme l’âge, l’éducation et la situation socio-économique.
Un système de santé face à de nouveaux défis
La présence de multiples pathologies favorise une augmentation des coûts de santé et des hospitalisations non planifiées. De plus, les consultations avec les médecins sont plus nombreuses et difficiles. Tout ceci résulte en partie du fait que le système de santé n’a pas été conçu pour faire face à ce phénomène.
En effet, les prises en charge médicales, souvent en silo et par discipline, ne permettent pas une gestion optimale de la multimorbidité. En outre, en l’absence d’un véritable travail de coordination, ces prises en charge favorisent la surmédication et donc, les possibles effets secondaires et d’interaction. Ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé des personnes avec de multiples pathologies chroniques.
Des interventions prometteuses
De nouvelles interventions plus orientées sur le patient que sur la pathologie ont vu le jour pour faciliter la prise en charge de ces personnes. Ces interventions reposent sur plusieurs piliers (stratégies d’auto-gestion, éducation à la santé, approches motivationnelles et collaboration interprofessionnelle) et ont des résultats prometteurs.
Toutefois, il faudrait plus d’équipes spécialisées multidisciplinaires comme ce qui a été développé dans la région de Saguenay ou à l’hôpital Montfort afin d’accompagner adéquatement les personnes avec de multiples pathologies et améliorer leur qualité de vie. Cela passera par une meilleure collaboration entre les professionnels de la santé et un système de santé mieux organisé.