Tendinites, capsulites, douleurs musculaires : entre 70 et 85 % des musiciens professionnels rencontreront des troubles musculosquelettiques lors de leur carrière, forçant des arrêts de travail, voire une cessation de leur art.
D’où proviennent ces blessures et pourquoi sont-elles autant présentes dans le domaine musical, particulièrement chez les violonistes? Et comment faire pour en réduire les risques? C’est ce qu’investigue Benjamin Michaud, étudiant au doctorat à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique (ÉKSAP).
Supervisé par Mickaël Begon, professeur à l’ÉKSAP, et Caroline Traube, professeure à la Faculté de musique, monsieur Michaud creuse ces questions grâce à des simulations informatisées. En fait, le doctorant développe divers algorithmes qui permettent à un ordinateur de générer lui-même des gestes violonistiques et d’évaluer la fatigue musculaire associée.
Produisant des gestes pendant plusieurs minutes, l’ordinateur parvient à identifier les façons de jouer le plus longtemps possible sans accumuler un score de fatigue trop élevé tout au long de sa simulation. « En utilisant cette approche, nous n’avons pas besoin de nous soucier de l’apprentissage des diverses techniques par les musiciens, qui pourrait risquer de « briser » leur façon de faire habituelle, en plus de pouvoir tester plusieurs hypothèses en même temps », explique Benjamin Michaud.
Tout un processus en amont
Détenteur d’un DEC en violon du Conservatoire de musique de Rimouski et d’une maîtrise en biomécanique, Benjamin Michaud s’intéresse depuis longtemps à la science derrière la musique. Son projet de doctorat actuel a d’ailleurs été rendu possible grâce à une recherche précédente qu’il a menée à titre d’agent de recherche à l’ÉKSAP : l’étude de la cinématique du bras d’archet des violonistes, et les interactions entre le tempo, la corde jouée et le style de jeu.
Par l’entremise de billes et d’électrodes posées sur le corps de musiciens volontaires et de caméras, les chercheurs ont pu transposer sur ordinateur les mouvements des artistes en trois dimensions et ainsi identifier les muscles sollicités pendant le jeu.
« Cette étude nous a permis de conclure que chaque violoniste est extrêmement constant par rapport à lui-même. Par exemple, si on lui demande de jouer la note do sur la corde de sol à la vitesse d’un battement par seconde, il va toujours jouer de cette façon-là précisément, donc toujours activer les mêmes muscles. Toutefois, d’un musicien à l’autre, il existe une très grande variabilité », précise Benjamin Michaud.
Ces résultats expliquent également la nécessité de développer des protocoles de recherche en mesures répétées pour ce type d’étude, c’est-à-dire que chaque sujet doit être son propre individu contrôle.
Vers des pistes de solutions
En observant l’impossibilité de généraliser les résultats d’un individu à l’autre, Benjamin Michaud constate qu’il sera sensiblement impensable de pouvoir « prescrire » à tous les violonistes une façon de jouer qui pourrait réduire les risques de blessures.
« Nous ne pourrons pas dire aux musiciens « voici ce que vous devriez faire », mais nous serons peut-être en mesure de proposer des philosophies, des alternatives pour reposer un groupe de muscles pendant qu’un autre se fatigue », croit le doctorant.
À terme, l’approche sera donc personnalisée dans la mesure où chaque artiste joue d’une façon qui lui est propre et qu’un grand nombre de considérations entrent en ligne de compte, notamment la morphologie de chacun.
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux
Source : Faculté de médecine de l’UdeM