L’activité physique est bonne pour le corps, mais aussi pour l’esprit. La professeure Isabelle Doré explique pourquoi bouger est bon pour la santé mentale et quelles sont les activités à privilégier.
Source : UdeMNouvelles 18 octobre 2021
Les troubles de santé mentale – telles la détresse psychologique, l’anxiété et la dépression – sont en augmentation dans l’ensemble des pays industrialisés et ont des effets délétères sur les plans tant individuel que social et économique.
S’il existe différentes stratégies pour les traiter, dont la pharmacothérapie et la psychothérapie, leur efficacité n’est pas toujours optimale. De plus, la stigmatisation qui entoure souvent les personnes atteintes de troubles mentaux en incite plusieurs à ne pas consulter, notamment chez les adolescents.
C’est pourquoi il importe de promouvoir davantage le bien-être psychologique et de prévenir l’apparition des troubles de santé mentale et, à ce chapitre, la littérature scientifique sur l’efficacité de l’activité physique prend de l’ampleur.
Comment l’activité physique agit-elle sur la santé mentale?
«Différentes revues d’études ont montré que des interventions relatives à l’activité physique peuvent contribuer à réduire les symptômes dépressifs», souligne la professeure adjointe à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’UdeM.
Selon ces études, trois mécanismes expliquent le lien entre l’activité physique et une meilleure santé mentale.
D’abord, sur le plan biologique, bouger «favorise une activité optimale des neurotransmetteurs, dont la sécrétion de cortisol et d’endorphine, qui diminuent la douleur et le stress», précise Mme Doré.
Sur le plan psychologique, l’activité physique chasse les pensées négatives. «La concentration que requiert l’activité physique ouvre la porte à de nouvelles possibilités ou solutions et réduit le stress, en plus de renforcer le sentiment de compétence et de contrôle de soi, qui est réputé pour améliorer la santé mentale et atténuer les symptômes dépressifs», poursuit celle qui est aussi professeure au Département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’UdeM.
Elle insiste sur le fait que, si l’on se fixe un objectif et qu’on ne le réalise qu’en partie, les bienfaits psychologiques sont tout de même au rendez-vous.
Enfin, les interactions qui découlent des sports de groupe ou d’équipe permettent d’élargir et de diversifier son réseau de soutien social en situation de besoin.
«Les liens que l’on crée dans des groupes sportifs, qu’ils soient organisés ou non, stimulent aussi le sentiment d’appartenance, ajoute Isabelle Doré. Savoir qu’on fait partie d’un groupe ou d’un club où des gens ont des champs d’intérêt communs est source de cohésion sociale, qui est l’un des plus grands déterminants de la santé mentale.»
La plupart des activités physiques apportent des bienfaits
L’image qu’on se fait généralement de l’activité physique est souvent associée aux sports. Or, toute forme de mouvement du corps qui entraîne une dépense énergétique est une activité physique.
Et si tous les types d’activités physiques ne s’équivalent pas en termes d’intensité, certaines ont des bienfaits sur la santé mentale et d’autres pas.
La littérature scientifique tend à démontrer que les activités sportives et de loisir procurent de tels bienfaits, tout comme le transport actif, mais à condition que celui-ci s’effectue dans des conditions sécuritaires et qu’il n’entraîne pas de stress. Les preuves scientifiques sont plus mitigées en ce qui a trait aux tâches domestiques, mais ces dernières peuvent constituer une stratégie de remise en forme graduelle pour les populations moins actives ou ayant des limites physiques.
Il n’y aurait par contre aucun bienfait quantifiable sur la santé mentale pour ce qui est de l’activité physique liée au travail, certains emplois – peu gratifiants, épuisants et répétitifs – comportant même des effets néfastes.
«Ce qui importe, c’est le volume d’activité globale, qui est composé de la fréquence de l’activité, de sa durée et de son intensité, explique Mme Doré. En général, plus le volume global augmente, meilleurs sont les bienfaits, mais attention : le surentraînement peut accroître les troubles de l’humeur et les symptômes d’anxiété.»
Rechercher le plaisir d’abord et avant tout
L’activité physique représente donc une nouvelle avenue pour prévenir les troubles mentaux et promouvoir la santé psychologique parce que, contrairement à la prise de médicaments par exemple, elle n’est pas stigmatisante. Et aussi parce qu’elle repose sur un comportement modifiable, soit celui de décider de bouger, et sur des installations et des ressources existantes.
L’activité physique individuelle, comme le jogging, et les sports d’équipe sont fortement associés à une meilleure santé mentale, selon celle qui a gagné en 2018 le prix de la meilleure thèse de doctorat en santé des populations remis par le Réseau de recherche en santé des populations du Québec.
Mais à volume d’activité égal, les groupes informels – groupes de plein air, marche ou jeux avec des collègues à l’heure du dîner ou encore les classes de yoga – offrent aussi un contexte qui permet de maintenir une meilleure santé mentale en raison des interactions et du plaisir qu’ils procurent en général.
Rappelant qu’il n’est jamais trop tard pour commencer à bouger, Isabelle Doré a insisté sur l’importance de promouvoir le jeu libre et actif chez les jeunes et les moins jeunes.
«Le concept de liberté dans le jeu chez l’enfant est menacé aujourd’hui, déplore-t-elle. Ces jeux qui laissent libre cours à l’imagination et à la créativité et qui comportent un certain niveau de risque permettent aux enfants de développer leur autonomie et de dépasser leurs limites tout en étant l’un des plus grands prédicteurs du désir de bouger à l’adolescence et à l’âge adulte.»
Plus globalement, Isabelle Doré milite en faveur d’une transformation des environnements pour qu’ils tiennent compte du bien-être psychologique tant dans les milieux scolaires que dans les milieux de travail et dans les municipalités, qui ont un rôle important à assumer en la matière.
«Ainsi, on pourrait miser davantage sur le concept de rue conviviale – ou woonerf – où l’on peut s’asseoir, jouer ou circuler à vélo en toute sécurité afin de permettre aux gens de tous âges de se réapproprier leur milieu de vie, conclut Mme Doré. Il faut aussi que l’accès à la nature et aux grands espaces soit facilité.»