Source : UdeMNouvelles du 17 juin 2024
Une nouvelle étude analyse la fréquence des conseils donnés en matière d’activité physique par les médecins omnipraticiens du Québec au cours de la dernière décennie.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus d’un quart de la population adulte n’est pas suffisamment active et cette proportion a augmenté dans les pays à revenu élevé. Les médecins, considérés comme des sources fiables d’information, peuvent prodiguer des conseils adaptés à l’état de santé de leurs patients. Mais les médecins au Québec ont-ils le temps, durant leurs consultations, de promouvoir l’activité physique et leurs conseils ont-ils évolué au cours de la dernière décennie?
Ce sont les questions auxquelles ont voulu répondre Suzanne Laberge, professeure à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal, Véronique Gosselin et Kim Lestage, diplômées de cette école, Miguel Chagnon, statisticien au Département de mathématiques et de statistique de l’UdeM, et Claude Guimond, responsable de la formation continue à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, dans une récente étude.
L’objectif de cette étude était d’analyser la fréquence des conseils donnés en matière d’activité physique par les médecins omnipraticiens du Québec entre 2010 et 2020. En 2010, 702 médecins ont rempli un questionnaire sur la fréquence de promotion de l’activité physique auprès de leurs patients, les obstacles perçus, les améliorations à apporter et leur propre pratique sportive. Ils avaient aussi à fournir des informations sociodémographiques. En 2020, ce même questionnaire a été repris pour voir l’évolution de leur promotion de l’activité physique et 794 médecins l’ont alors rempli.
S’il y a eu une augmentation significative du nombre de médecins de famille faisant la promotion de l’activité physique au Québec, elle a été principalement orientée vers la prévention secondaire.
De l’activité physique en cas de dépression et d’arthrose
Selon cette étude, la proportion de médecins de famille discutant d’activité physique avec leurs patients a considérablement augmenté en 2020 pour certains problèmes de santé. Pour la dépression, ce taux est passé de 51 à 73 %, tandis que pour l’arthrose il est passé de 38 à 51 %. Des hausses similaires ont été observées pour les lombalgies (de 29 à 46 %), la maladie pulmonaire obstructive chronique ou l’asthme (de 15 à 22 %) et le cancer (de 2,4 à 5,1 %).
Suzanne Laberge souligne cette augmentation de promotion de l’activité physique auprès des personnes atteintes de cancer: «Être en bonne condition physique pourrait leur permettre de mieux réagir aux traitements de chimiothérapie, radiothérapie et autres. Toutefois, il y a place pour une importante amélioration!»
La prévention primaire délaissée
Cependant, la prescription de sport a diminué pour les patients en surpoids et ceux présentant un syndrome métabolique de même qu’en contexte de prévention primaire. Pour les patients en surpoids, la proportion est passée de 85 à 80 %, pour ceux présentant un syndrome métabolique de 74 à 69 % et pour la prévention primaire de 40 à 34 %. «Pour ce qui est des patients en bonne santé, les médecins manquent malheureusement de temps quand il s’agit de parler d’activité physique, puisque leurs consultations sont très courtes, durant de 15 à 20 minutes», explique Suzanne Laberge.
Être soi-même actif pour recommander plus d’activité physique
L’étude ne montre pas de différence significative entre les médecins selon leur lieu de résidence ou leur genre.
Toutefois, elle révèle que les médecins les plus expérimentés sont les plus enclins à promouvoir l’activité physique: 52 % des médecins ayant plus de 20 ans de pratique le faisaient en 2010 et 53 % en 2020. «Il est préoccupant de constater que le conseil en matière d’activité physique en prévention primaire a diminué, notamment chez les jeunes médecins, qui sont moins susceptibles de promouvoir l’activité physique dans leurs consultations de routine par rapport à leurs pairs plus âgés», mentionne Suzanne Laberge.
À noter aussi que la pratique personnelle d’une activité physique par les médecins est un prédicteur de la promotion de l’activité physique en 2010 comme en 2020.
Une approche systémique pour promouvoir l’activité physique
Une collaboration plus étroite entre les kinésiologues et les médecins ainsi que du matériel promotionnel pour l’éducation et la sensibilisation étaient les principaux besoins désignés en 2010 et cette demande est passée de 62 % en 2010 à 72 % en 2020.
«Une intégration réussie de la promotion de l’activité physique dans les milieux cliniques nécessite une approche systémique incluant les programmes d’études des facultés de médecine, des ressources communautaires et des experts en promotion de l’activité physique, ainsi que des politiques et programmes de santé publique», indique Suzanne Laberge, qui donne le cours de promotion de l’activité physique à l’UdeM.
Elle insiste sur l’importance de cet environnement favorable pour encourager l’activité physique: «Il faut aider les individus en travaillant sur les éléments à la fois physiques, culturels et économiques. Ces conditions de vie de proximité sont essentielles pour que les gens puissent se prendre en charge et faire de l’activité physique pour leur bien-être et pour prévenir différentes maladies.»