Source : journal Le Devoir, 22 juillet 2023
Cet été, Le Devoir vous entraîne sur les chemins de traverse de la vie universitaire. Une proposition à la fois savante et intime, à cueillir comme une carte postale. Aujourd’hui, nous nous intéressons aux changements climatiques et à leurs effets sur la santé humaine.
Il n’y a plus de doute, il fait de plus en plus chaud sur la Terre, les huit dernières années ayant été les plus chaudes jamais enregistrées. Ces changements climatiques posent plusieurs menaces, directes et indirectes, pour la santé humaine. Une conséquence directe est l’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité des périodes de chaleur extrême, comme les canicules. La chaleur extrême comporte des risques pour la santé.
En 2003, une canicule européenne a causé la mort de 70 000 personnes. En 2021, le dôme de chaleur qui a plané sur la côte ouest de l’Amérique du Nord a causé la mort de plus de 600 personnes en Colombie-Britannique. En 2022, l’été le plus chaud jamais enregistré en Europe a causé la mort de plus de 60 000 personnes. Puisque les périodes de chaleur extrême continueront de s’intensifier au cours des années à venir, il est important, plus que jamais, de comprendre comment la chaleur affecte notre santé afin d’en minimiser les conséquences.
Chaleur et santé ; un cocktail dangereux
Les risques pour la santé liés à la chaleur découlent d’un cocktail comprenant trois ingrédients. Premièrement, la température corporelle interne augmente, ce qui peut entraîner un épuisement lié à la chaleur (étourdissements, nausées) ou, dans le pire des cas, un coup de chaleur, qui est mortel s’il n’est pas reconnu et traité immédiatement.
Deuxièmement, la transpiration est le moyen principal utilisé par notre corps pour se rafraîchir. Cependant, la transpiration cause une perte d’eau corporelle et peut donc entraîner une déshydratation si notre consommation de liquides est insuffisante. La déshydratation augmente le travail des reins, ce qui peut causer un déséquilibre des électrolytes et une insuffisance rénale.
Troisièmement, le coeur travaille plus fort lorsque l’on est exposé à la chaleur pour envoyer du sang vers la surface de la peau pour favoriser la perte de chaleur vers l’environnement. Cependant, le travail cardiaque peut surpasser sa capacité à s’alimenter en oxygène et en nutriments. Dans ce cas, des événements cardiaques peuvent se produire, comme une crise cardiaque, par exemple.
Qui est prédisposé aux risques de la chaleur pour la santé ?
Si personne n’est à l’abri des risques que pose la chaleur sur la santé, certaines personnes y sont plus prédisposées. Plusieurs facteurs, individuels ou liés au milieu de vie, peuvent moduler notre sensibilité et agir comme des facteurs de risque. Par exemple, l’âge (jeunes enfants et aînés), les problèmes de santé préexistants, la prise de certains médicaments, le surpoids et l’obésité, de faibles capacités fonctionnelles et cognitives et une faible capacité physique sont tous associés à un risque plus élevé d’hospitalisation ou de décès lors d’un événement de chaleur extrême.
Parmi les facteurs liés au milieu de vie, un faible statut socioéconomique, un accès limité à des endroits frais ou climatisés, parmi d’autres, confèrent également un risque plus élevé. Finalement, les personnes qui effectuent des efforts physiques lors des épisodes de chaleur (p. ex. : travailleurs, sportifs, forces de l’ordre) sont également plus à risque.
Comment se protéger de la chaleur ?
La stratégie la plus efficace est simplement d’éviter l’exposition à la chaleur, et pour ce faire, le climatiseur est de loin la méthode la plus efficace. Cependant, il est important de reconnaître que le climatiseur est inaccessible pour plusieurs personnes, en raison de son coût monétaire et énergétique élevé. De plus, une utilisation à grande échelle du climatiseur peut surcharger le réseau électrique, provoquant des pannes de courant, et il peut contribuer aux émissions de gaz à effet de serre si elle est alimentée par des sources d’énergie non renouvelables.
Au cours des dernières années, plusieurs études scientifiques ont relevé des stratégies de refroidissement plus durables et accessibles. À l’échelle urbaine, la création de fontaines, d’espaces verts, de zones ombragées, ou encore la réduction du trafic routier permettrait d’augmenter la capacité d’adaptation de la société à la chaleur.
À l’échelle individuelle, des stratégies telles que le ventilateur, l’aspersion d’eau sur la peau, l’immersion des pieds dans de l’eau froide, l’utilisation de serviettes froides, l’ingestion d’eau fraîche, la diminution de l’activité physique, l’optimisation de l’habillement ou une combinaison de ces stratégies peuvent être utilisées pour réduire l’effet de la chaleur sur notre corps.
De la sueur pour faire avancer la science
Au laboratoire de physiologie intégrative humaine du Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal, nous travaillons à mieux comprendre comment le corps humain réagit et s’adapte à la chaleur. Pour ce faire, nous invitons des volontaires à s’exposer à la chaleur en laboratoire et nous mesurons leurs réponses physiologiques. Nous utilisons plusieurs sources de chaleur, comme une salle climatique qui permet de contrôler la température de l’air entre –18 °C et +70 °C ainsi que le taux d’humidité (sec ou humide), des bains d’eau chaude, des habits spécialisés contenant une tubulure qui permet la circulation d’eau chaude et l’exercice physique.
Nous utilisons ces méthodes pour étudier la capacité des aînés à s’adapter à la chaleur, pour déterminer comment la chaleur prédispose à un plus grand risque d’événements cardiaques, pour déterminer des solutions de rechange au climatiseur pour réduire les effets de la chaleur sur les personnes vivant avec une maladie cardiaque, pour optimiser la santé et la sécurité des travailleurs par temps chaud et pour prédire les facteurs individuels qui prédisposeraient à un plus grand risque pour la santé lors des périodes de chaleur extrême.
Face à un avenir toujours plus chaud, notre objectif ultime est de contribuer à l’adaptation de notre société à la hausse des températures mondiales, permettant d’être mieux équipés pour faire face aux risques sanitaires liés à la chaleur.
Par Thomas Deshayes, Adèle Mornas, Amélie Debray et Daniel Gagnon
Les trois premiers sont chercheurs et chercheuses postdoctorant.e.s à l’Institut de cardiologie de Montréal, le dernier est chercheur à l’Institut de cardiologie de Montréal et professeur agrégé à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal.